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Déborah: comment répondre à l’appel de Dieu

Par quel bout puis-je commencer mon histoire ? J’ai l’impression que ce thème du ministère de la parole de la femme dans l’Église et du rejet dont j’ai fait l’objet concerne une grande partie de ma vie. Je pense que je pourrais écrire un livre là-dessus! Pourtant, je vais essayer d’être brève, sans pour autant édulcorer les souffrances mais aussi la consolation divine dont j’ai fait l’objet durant toutes ces dernières années.

Ce désir de servir Dieu à temps plein

Aussi loin que je me souvienne, lorsqu’enfant, on me posait la question :

Que veux-tu faire comme métier plus tard?

Je répondais : Missionnaire!

Bien sûr, je suscitais la curiosité et la suspicion, surtout quand je m’adressais à des non-croyants. Bien ancré en moi, le désir de servir Dieu à temps plein (littéralement “vivre pour lui”) s’est imposé à mon esprit depuis toute petite.

Je suis née dans une famille “à moitié” chrétienne; ma maman étant une fervente disciple de Christ, contrairement à mon papa qui lui, était farouchement opposé à la foi et surtout à mon église locale, qu’il considérait comme une secte. Cette ambivalence était assez difficile à vivre et nous avions souvent droit à des disputes parentales à ce sujet.

J’ai donc fréquenté l’Église Évangélique de ma maman toute mon enfance et toute mon adolescence et je me suis fait baptisée à l’âge de 16 ans. Une chose était claire pour moi: je voulais suivre Christ, coûte que coûte.

En tant que psychologue ?

A la fin de mon cursus secondaire, je ne savais pas vraiment ce que je voulais entreprendre comme études universitaires. Mon cœur brûlait de servir Dieu, mais il fallait bien que je choisisse une filière, un « vrai métier ». J’étais assez indécise mais le choix pour la psychologie pointait quand même à l’horizon, convaincue que Christ peut soigner tous les maux, même les maux de l’âme; j’avais donc envie de suivre une formation universitaire en psychologie puis de me spécialiser en relation d’aide chrétienne. Mais j’étais interpellée par un fait évident: les jeunes de mon Église me paraissaient vivre quelque chose avec Dieu que je ne vivais pas encore… ils avaient cette “relation personnelle” avec le Créateur, dont mon cœur avait tellement besoin, mais qui était encore trop imprégné par le rationalisme et le relativisme occidental ambiant.

Un voyage transformateur

J’ai donc décidé, diplôme du secondaire en poche, de m’envoler vers l’Afrique avec Jeunesse en Mission, pour suivre une école de formation de disciples durant six mois. Leur slogan de l’époque m’avait percutée :

Connaître Dieu pour mieux le faire connaître

Six mois donc dans des conditions précaires sous la chaleur torride du désert du Sahara, à la recherche de Dieu.

Ce Dieu que je cherchais tant, j’ai appris à le connaître petit à petit, surtout en me nourrissant de Sa parole et en abandonnant ma rationalité. Les Écritures prirent alors pour moi une dimension nouvelle: toutes les informations connues depuis des années sont comme passées de mon cerveau à mon cœur, et depuis ce périple africain, j’ai commencé à laisser Dieu transformer ma vie, me façonner à son image.

C’est là-bas que j’ai rencontré mon futur époux – nous nous sommes mariés 2 années plus tard. La belle histoire que je vis avec lui depuis 15 ans maintenant mériterait également son livre… (mais ce n’est pas le sujet de mon témoignage, alors je garde ça pour une prochaine occasion!).

C’est en Afrique durant ce séjour que, après une prédication sur le sacrifice d’Isaac par son père Abraham, j’ai pris une des décisions les plus importantes de ma vie. Le prédicateur avait conclu en disant:

Ce que vous avez de plus cher, offrez-le à Dieu, à l’exemple d’Abraham, qui a offert son fils bien-aimé sur l’autel.

De retour dans ma chambre ce jour-là, je me suis mise devant Dieu et je lui ai dit:

Père, ce que j’ai de plus cher, c’est le choix de mes études. Tu sais que je veux étudier la psychologie à l’université. C’est vraiment important pour moi. Mais j’abandonne mon projet, je ferai ce que tu veux que je fasse.

De retour en Belgique après ces six mois, j’ai décidé de repartir à nouveau pour le même programme en Afrique, qui avait lieu l’année d’après, cette fois comme responsable d’un petit groupe de nouveaux disciples. A la fin de ce second séjour je suis rentrée chez moi. L’heure était venue de choisir les études que j’allais entreprendre.

Un appel

Durant un moment de prière, j’ai reçu la conviction profonde que le Seigneur m’appelait à enseigner sa parole, et que je devais donc étudier la théologie. Ce que je fis donc. Je me suis inscrite à l’Institut Biblique et j’ai suivi le cursus complet, c’est-à-dire 3 années. Durant mes études et durant les stages dans différentes Églises, je n’ai jamais vraiment ressenti de sexisme. Tout se déroulait très bien, même si l’approche théologique rigoureuse de l’Institut a souvent “challengé” ma foi. J’en suis ressortie grandie (ayant acquis une foi “réfléchie”, que je pouvais à présent défendre intellectuellement devant les potentiels opposants) et surtout armée pour pouvoir enseigner la Bible, ce qui était devenu ma passion et mon rêve à présent.

Face à la dure réalité du terrain

C’est au sortir de ma formation à l’Institut Biblique en 2006 que les choses ont commencé à se compliquer… J’étais tellement innocente des réalités du terrain et tellement pleine de zèle pour le Seigneur ! La douche froide n’a pas tardé à me tomber dessus et à (presque) me terrasser.

J’aime cette illustration qui résume un peu ce que j’ai vécu à l’époque. Imaginez ceci: on vous donne une formation solide dans la construction de maisons. Vous devenez maçon. Puis lorsque vous commencez à vouloir mettre en pratique ce que vous avez appris (exercer votre métier donc), on vous fait comprendre (on vous le dit le plus souvent à demi-mot): en fait, tu ne peux pas être maçon! Il y a quelque chose en toi qui ne correspond pas au profil. Quelque chose que tu ne peux pas changer. Qui fait partie de ton identité.

Ce “quelque chose qui ne correspond pas au profil”, c’était ma féminité.

Arrivés dans une nouvelle communauté chrétienne après avoir déménagé et quitté l’Église de mon enfance, on m’a vite fait comprendre que mes études ne comptaient pour rien et qu’il ne pouvait pas y avoir d’appel, de vocation divine au ministère en ce qui me concerne. Parce que j’étais une femme.

Un douloureux processus de deuil

Très vite on a demandé à mon époux de présider ou de prêcher durant le culte, malgré le fait qu’il n’avait pas de formation théologique. Je tiens à préciser que ça ne me dérangeait pas du tout puisque ce que je souhaitais par-dessus tout c’était de servir Dieu à ses côtés.

Un jour, j’ai annoncé joyeusement au pasteur de cette communauté que j’allais continuer mes études de théologie (master) et je n’ai reçu aucune réaction de sa part. Mais lorsque quelques minutes plus tard mon mari lui a dit qu’il allait lui aussi commencer une formation biblique, il s’est exclamé: “Mais c’est merveilleux, c’est vraiment une bonne chose!”

Dans cette Église, j’ai pu prendre part à l’accompagnement des chants durant les réunions (je suis pianiste). Mais à rien d’autre.

C’est à ce moment qu’à commencé un long processus douloureux en moi; je devais me rendre à l’évidence : je devais “faire le deuil” de mes études. C’est-à-dire abandonner mes rêves de servir Dieu et d’enseigner dans l’Église. Je suis de nature conciliante et je déteste le conflit; je n’avais absolument pas envie d’être au cœur d’une polémique en servant le Seigneur.

Tellement de questions et de doutes, enveloppés d’une grande tristesse, surgissaient en moi, et ce mal-être a duré plusieurs années.

  • M’étais-je trompée de voie ?
  • Avais-je donné ce que j’ai de plus précieux (mon cursus universitaire) à Dieu, pour rien?
  • Quelle est la place de la femme dans l’Église si elle ne peut pas parler ?
  • Quelle est la place de la femme dans le couple ? Et dans la société, selon la pensée divine?
  • Que signifie “prendre autorité” sur l’homme ?
  • Qu’est-ce que l’enseignement dans l’Église ? Se limite-t-il à la prédication du dimanche ?
  • Et finalement, la question la plus importante de toutes à mon avis : qu’est-ce que Dieu, lui, pense de tout ça ?”

Je n’avais pas encore de réponses claires à toutes mes interrogations, mais ce que j’ai vite compris, c’est qu’il y a beaucoup d’incohérence dans la doctrine évangélique traditionnelle sur le ministère de la parole de la femme dans l’Église, et cela me frustrait encore plus.

Du point de vue professionnel depuis la fin de mes études, j’enseignais la religion protestante à des enfants et des jeunes dans des écoles de l’État. Ce métier me plaisait, mais ma frustration était toujours là : c’est au sein mon Église locale que je voulais utiliser mon don pour l’enseignement.

Des ouvertures

Après un deuxième déménagement et la naissance de notre second enfant, nous avons fréquenté une autre église plus proche de notre nouvelle maison.

Nous nous sommes assez rapidement impliqués dans la vie de cette communauté: mon mari prêchait le dimanche, était responsable de la jeunesse et de la formation de disciples. L’Église venait de perdre une équipe de musiciens et de chanteurs et priait pour que Dieu leur envoie un nouveau responsable. C’est donc la place qui m’a été assignée par les anciens et le pasteur peu après notre arrivée : leader d’un groupe de louange qu’il fallait former.

Puisque j’avais renoncé à mes rêves d’enseignement de la Bible dans l’Église, je me suis lancée dans une autre voie, du point de vue professionnel: la musique. En autodidacte, j’ai étudié à la maison pour pouvoir passer les examens d’État et obtenir le diplôme de professeur d’éducation musicale dans l’enseignement secondaire. En 2012, je commençais à enseigner la musique dans différentes écoles, abandonnant l’enseignement de la religion protestante.

J’ai pris mes nouvelles responsabilités musicales dans notre Église locale très à cœur dans une attitude de soumission : je désirais évoluer dans le cadre et les limites imposées par les anciens. J’étais là pour servir, et même si nous n’avions pas le même point de vue sur plusieurs points de doctrine, je désirais m’adapter à la volonté des responsables et aux besoins de la communauté. Mais je n’imaginais pas le nombre de bâtons dans les roues qu’on allait me mettre et l’ampleur de la souffrance psychologique qui s’installerait en moi. C’est difficile de résumer 9 ans en quelques lignes; alors j’énumérerai juste quelques faits et paroles qui m’ont percutés comme des coups de poignard :

Nous avons commencé des “réunions de rafraîchissement” les mercredis soirs : je devais conduire le moment de chant avant l’étude biblique. Je l’ai fait en ponctuant parfois ce temps de quelques encouragements parlés.

Pour se retrouver à nouveau face à un mur

Quelques semaines après le début de ces rencontres, le pasteur a “remis les points sur les i” en prêchant sur le silence de la femme dans l’Église.

  • lors d’un camp où j’étais très active (dans les moments de chant, dans la préparation des études bibliques destinés aux moniteurs mais aussi dans le coaching de ceux-ci), notre pasteur (qui était directeur du camp) a trouvé bon de rappeler à tous les moniteurs qu’il était interdit à la femme d’être leader et d’enseigner les hommes.
  • lors d’un autre camp où l’on m’avait demandé d’apporter un message sur l’importance de la louange, et après avoir longtemps hésité à accepter (parce que je ne voulais pas choquer les gens en prenant la parole et empêcher la Parole de pénétrer les cœurs), un homme de mon Église a quitté la salle et est parti, furieux, dans la cuisine, exprimer son mécontentement auprès des jeunes qui faisaient la vaisselle. Il a gardé de la colère contre moi pendant presqu’une année.

Durant cette période, voici un échantillon des propos que j’ai pu entendre:

  • Un des signes de l’apostasie, c’est l’avènement des femmes pasteurs.
  • Un homme peut être appelé au ministère, pas une femme.
  • Une femme peut enseigner les enfants jusqu’à ce qu’ils soient pubères, pas après.
  • Dès lors qu’il y a un homme dans l’auditoire (et même lors des réunions dites informelles), une femme ne peut pas partager ce qu’elle a compris sur un texte biblique.
  • Une femme est émotionnellement instable, donc son enseignement sera instable aussi.
  • Dans un village éloigné, où l’Évangile n’a pas encore été annoncé, s’il n’y a qu’une femme qui est disponible pour apporter la lumière de la Parole aux perdus, elle n’a pas le droit de le faire (cette population mourra sans entendre parler de Christ)”.

En fait, je me suis retrouvée face à un mur; mur incarné dans toute sa rigidité par un pasteur qui était persuadé de détenir la vérité, de plaire à Dieu dans ses convictions, d’être le garant de la bonne doctrine, fermé au dialogue, convaincu qu’il n’y a qu’une seule manière de penser (la sienne), manquant de tact dans ses prises de position et inconscient des dégâts qu’il causait autour de lui. Il avait l’habitude de “régler ses comptes”, Bible en main, du haut de la chair.

Une séparation qui s’imposait

Cet état d’esprit nous a affecté, mon mari (qui entre-temps est devenu ancien) et moi à un point tel qu’il y a quelques mois, nous avons dû prendre une décision très difficile aussi bien pour les membres de la communauté (qui nous apprécient beaucoup) que pour nous : nous avons choisi de quitter notre assemblée. Nous avons au préalable cherché à dialoguer avec le pasteur et les anciens, espérant un partage de points de vue constructif. Nous avons pu parler au conseil des anciens, mais l’échange d’idées était impossible. Il était néanmoins très important pour nous de partir en paix et de dire aux responsables et à la communauté qu’entre chrétiens, il pouvait y avoir désaccord mais pas “désamour”.

Un rayon de soleil

Avant de conclure, j’aimerais raconter un évènement marquant qui m’a encouragée comme jamais. C’était en 2015, durant la période où je recommençais petit à petit, malgré l’adversité, à reprendre confiance en moi et en l’appel de Dieu sur ma vie. Cela faisait quelques mois que je m’étais mise à composer des chants de louange : si je ne pouvais pas enseigner dans mon assemblée, je pouvais au moins partager la Parole de Dieu au travers du chant.

Je venais de lire un livre sur l’écoute de la voix de Dieu. Cette lecture m’avait beaucoup perturbée parce qu’il était en porte-à-faux avec ce qu’on m’avait enseigné à l’Institut Biblique, à savoir que Dieu n’utilisait plus qu’un seule moyen pour nous parler à l’heure actuelle: la Bible. Ma sœur m’a invitée dans son Église à venir écouter un pasteur, théologien, qui “se dit prophète” (c’était en tout cas la manière dont je voyais les choses à l’époque). Ses diplômes m’impressionnaient plus que son soi-disant ministère prophétique ; j’ai donc accepté l’invitation dans le but d’avoir un entretien avec cet homme après la rencontre, pour qu’il me donne une argumentation biblique sur l’exercice actuel du don de prophétie.

Lors de la réunion, voici ce que ce serviteur de Dieu, qui ne me connaissait pas, a dit sur moi :

Tu es comme Élie, qui s’est caché dans une grotte après avoir été persécuté par Achab et Jézabel. Je ne connais pas les raisons de ta fuite. Mais il y a un appel de Dieu sur ta vie, un appel ministériel. Ma sœur, rien ne te disqualifie. Dieu ne se repent pas de ses dons et de ses appels. Je te vois en train de composer des chants, et je te vois aussi partager la Parole de Dieu avec passion.

J’ai été complètement époustouflée par la précision de ces paroles et l’encouragement plein d’amour que j’ai reçu ce jour-là ! Moi qui cherchais à ce que ma logique soit satisfaite par des arguments, je n’avais désormais plus besoin de propos humains pour me convaincre: non seulement Dieu parle encore aujourd’hui, avec puissance, mais également le fait d’être femme n’est pas incompatible avec le ministère chrétien.

Et aujourd’hui?

Aujourd’hui, 13 ans après ma sortie de l’Institut Biblique, mon cœur est serein – le Seigneur achève son travail de guérison en moi.  Nous fréquentons une nouvelle assemblée depuis quelques semaines dans laquelle des femmes prennent régulièrement la parole.

J’ai lu pas mal de choses au sujet du ministère féminin. Je pourrai défendre ma position si on me le demande, mais je ne cherche pas à convaincre les plus obtus (c’est une cause perdue d’avance à mon avis) et puis ce n’est pas mon combat. Je ne sais pas comment le Seigneur m’utilisera dans l’avenir, mais je sais qu’il est avec moi et pas contre moi. Et je sais surtout que le salut des âmes est beaucoup plus important que nos querelles doctrinales : si j’ai la possibilité d’annoncer Christ, même si c’est à un homme, je le ferai.

 

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